Le choc des civilisations, ce n'est pas entre le christianisme et l'islam, c'est entre le catholicisme et le protestantisme.
La véritable guerre entre l'Occident et l'Orient, c'est celle des Etats-Unis occidentaux contre Rome l'orientale.
La morale protestante, éliminant de plus en plus toute base doctrinale, finit par dégénérer en ce qu'on appelle la "morale laïque", qui compte parmi ses partisans les représentants de toutes les variétés du "Protestantisme libéral", aussi bien que les adversaires de toute idée religieuse ; au fond, chez les uns et les autres, ce sont les mêmes tendances qui prédominent, et la seule différence est que tous ne vont pas aussi loin dans le développement logique de tout ce qui s'y trouve impliqué.
En effet, la religion étant proprement une forme de la tradition, l'esprit antitraditionnel ne peut être qu'antireligieux ; il commence par dénaturer la religion, et, quand il le peut, il finit par la supprimer entièrement. Le Protestantisme est illogique en ce que, tout en s'efforçant d'"humaniser" la religion, il laisse encore subsister malgré tout, au moins en théorie, un élément supra-humain, qui est la révélation ; il n'ose pas pousser la négation jusqu'au bout, mais, en livrant cette révélation à toutes les discussions qui sont la conséquence d'interprétations purement humaines, il la réduit en fait à n'être bientôt plus rien ; et, quand on voit des gens qui, tout en persistant à se dire "chrétiens", n'admettent même plus la divinité du Christ, il est permis de penser que ceux-là, sans s'en douter peut-être, sont beaucoup plus près de la négation complète que du véritable Christianisme.
René Guénon, La crise du monde moderne.